Sait-on d'où viennent les cartes à jouer ?

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  • Le 09/12/2019
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Carte inde

Sait-on d'où viennent les cartes à jouer ?

"Carte" vient du latin charta = papier sur lequel on écrit.
On ne peut pas parler de l'histoire du tarot, et plus largement des cartes à jouer en omettant l'essentiel : le papier et la gravure. Le papier est né en Chine vers le IIe siècle de notre ère. En 751, les Arabes entrent en contact avec les Chinois avec la bataille et la prise de Samarkand dans le Turkestan. La dynastie des Sassanides s'approprie le secret de la fabrication du papier et la diffuse en Perse.

Au VIIIe siècle l'industrie du papier se développe en Mediterranée, au IXe siècle dans l'Espagne mauresque, au Xe siècle à Byzance, au XIIIe siècle en Italie et en France. Peut-on supposer un chemin similaire pour les cartes à jouer, sachant que des petites plaques en papier, ivoire ou métal revêtues d'images ont été utilisées en Chine ? Des jeux sont cités dès le Xe siècle. Mais l'unique spécimen ancien conservé date du XVe siècle. On peut supposer que des cartes chinoises ont pu être rapportées par les Tartares en Perse et de là, au Proche-Orient, on ne sait pas bien comment.
Une autre théorie, assez séduisante, évoque le Chaturanga dit "Jeu des quatre rois" : ce jeu de guerre est apparu en Inde entre le Ve et le VIe siècle. Formé de deux racines sanskrites chatur = quatre et anga = membre, il évoque les armées typiques de l'Inde ancienne composées de quatre corps ou divisions distinctes, que l'on retrouve dans le jeu : chars de combat, cavalerie, corps des éléphants, infanterie, sous les ordres d'un Rajah. Ce jeu, diffusé lui aussi en Perse puis chez les Arabes, aurait été à la fois l'ancêtre des échecs et l'inspirateur des suites de cartes à jouer à quatre couleurs telles qu'on les verra apparaître dans l'Occident du XIVe siècle. Que ses racines soient chinoises ou indiennes, il a pu provenir en Occident par l'intermédiaire des Perses, puis des Mamelouks qui régnèrent en Egypte et au Proche-Orient jusqu'en 1517 et qui eurent des relations commerciales avec l'Occident. Un très beau jeu mamelouk du XVe siècle est conservé au musée Topkapi d'Istanbul : certaines de ses cartes désignent un gouverneur = naib. Or, c'est sous le nom de naips, naibbe, ou naibi, que les cartes à jouer sont mentionnées pour la 1ere fois en Occident autour de 1370.

Est-ce à dire que nous tenons là l'origine des cartes à jouer et par là du tarot ? Rien n'est moins certain. Les cartes ne sont mentionnées ni dans les Mille et Une nuits, ni dans aucune source de littérature arabe ou maure. On n'a aucune preuve de leur utilisation par les Arabes du Moyen-Age, rien par les Croisades, et encore moins avant. D'où une autre théorie : le jeu de cartes serait tout simplement né en Occident, en Allemagne, d'où proviennent les plus anciens jeux connus, même si l'idée des séries a pu être inspirée de jeux orientaux. On peut d'ailleurs noter que, quelque soit l'origine ultime des cartes à jouer : Chine, Inde, Orient, elles ne gardent pas trace de ces origines. L'iconographie des cartes est nettement inspirée de l'Occident médiéval chrétien.
Le jeu de cartes fut à l’origine inventé en Chine. Les premières cartes firent leur apparition durant la dynastie Tang (618-907). Elles semblent alors inspirées de dés divinatoires provenant d’Inde.

À cette époque il existe deux types de cartes chinoises :

Cartes dominos, Chine

• les cartes dominos, qui sont des cartes à points

. les cartes monétaires, Chine

Le Dashavatara ganjifa, Inde

Dans le même temps, en Inde, les jeux chinois sont utilisés en complément du jeu d’échecs inventé au Vème siècle ("chaturunga") pour créer un nouveau jeu "ganjifa". Au VIIIème siècle, les Hindous jouent au "dashavatara ganjifa", un jeu de cartes constitué de suites d’emblèmes, chacune constituée de 12 cartes : un Radja (roi), un Naïb (vizir), et 10 cartes numérales. Ce jeu est inspiré des jeux de carte chinois, et du jeu d’échecs "chaturunga".

Au cours du XI ème siècle, le jeu de "dashavatara ganjifa" a apparemment été transmis aux Mamelouks d’Égypte, mais sous une forme simplifiée. On y retrouve 4 suites sous les emblèmes de la cruche, la massue, la pièce de monnaie et l’épée.

Le jeu hindou inspirera aussi le jeu de cartes des Maures. La ressemblance avec les arcanes mineurs du Tarot actuel est frappante.

Visconti Sforza Tarocchi, XVème siècle, Italie

Les commerçants de la route de la soie et les émigrants ont sans doute permis le voyage de ces jeux vers l’Occident. Plus tard, ces jeux de cartes remontèrent le bassin méditerranéen et inspirèrent probablement nos cartes d’aujourd’hui. Les cartes classiques apparaissent en 1360 en Europe. Le Tarot en serait une version "luxueuse", qui fait son apparition à la cour de Milan, probablement entre 1440 et 1450. L’apparition des "trionfi" est une allusion probable au recueil poétique de Pétrarque, les 22 arcanes majeurs représentant le contexte culturel de l’époque.

Ainsi on retrouve :
• une représentation du pouvoir avec L’EMPEREUR et LE PAPE (accompagnés de leur équivalence
féminine, L’IMPERATRICE et LA PAPESSE)
• des vertus cardinales comme LA FORCE, LA TEMPERANCE et LA JUSTICE
• des allégories chrétiennes : LE DIABLE, LA MAISON DIEU, LE JUGEMENT
• les grands thèmes de la culture populaire : le temps, symbolisé par L’HERMITE, la providence de LA
ROUE DE FORTUNE, l’amour de L’AMOUREUX
• l’astronomie et LE SOLEIL, LA LUNE, L’ETOILE, et enfin LE MONDE.

Le Tarot n’était encore qu’un jeu de cartes parmi d’autres. C’est au XVIIIème siècle que le Tarot prend une dimension ésotérique et divinatoire, notamment en France après la publication du volume 8 du Monde Primitif d’Antoine Court de Gébelin, dans lequel l’auteur s’est appliqué à commenter chacun des 22 arcanes du Tarot aujourd’hui dit "de Marseille". Après lui, d’autres auteurs comme Etteilla, Eliphas Lévi, Papus, firent leur apparitions et donnèrent leur propre interprétation du Tarot. Certains redessinèrent même leur propre jeu.
A cette même époque, le Tarot continue de se jouer, surtout en France, qui reste aujourd’hui le pays où l’on y joue le plus. Mais le jeu voyage et atteint progressivement l’Allemagne, l’Angleterre, l’Espagne. Des versions plus proches des cultures locales sont alors créées, avec par exemple le choix des enseignes françaises (pique, coeur, carreau, trèfle) au lieu des italiennes et des atouts totalement profanes (animaux, scènes de chasse, paysages exotiques, costumes folkloriques, images de la vie politique ou militaire, vues de grandes villes, scènes de genre, etc.).
Aujourd’hui, le Tarot de Marseille et sa pratique est largement connue et a inspiré de nombreux nouveaux Tarots.